J’ai envie de publier cette courte nouvelle depuis plusieurs mois. Toutefois, je me suis retenue afin de la publier à la mi-décembre pendant la saison des partys de bureau. L’histoire se passe en été mais vous pouvez la figurer même en hiver.
À la brunante, sur une route de campagne
Les roues de la voiture stoppent sur la route déserte. Il arrête le moteur et ouvre la portière. Il dépose le pied gauche sur le sol, puis le droit. Il se lève et son corps, rafraîchi par l'habitacle climatisé, ressent la chaleur accablante. L'humidité de cette soirée caniculaire écrase ses épaules comme une chape de plomb. Il retombe sur le siège. Puis, il se hisse de nouveau et referme la portière. Il regarde devant son bolide et, ne voyant rien, pousse un soupir de soulagement. Il desserre le nœud de sa cravate et avance. Ses souliers de cuir souple italien écrasent la gravelle de la voie d’accotement. Perdant l’équilibre, il se retient de sa main droite sur son gros VUS noir. Il n’est pas fou, pense-t-il en écrasant un moustique sur son poignet. Il a bien entendu un bruit et senti quelque chose. Il rote en jetant un coup d'œil à son pare-chocs. Rassuré, il fredonne l'air qui jouait à la radio quelques instants plus tôt et il se dirige vers le fossé. Il ouvre la braguette de son pantalon et pisse les deux jambes bien écartées. L'air embaume une vague odeur de fleur sauvage et de framboise. Le bon air pur de son patelin, songe-t-il avec bonheur. Le cri d'un engoulevent le fait frissonner. Il cesse de chanter. À travers le son des criquets, il entend le jet de son urine et un couinement. Au-dessus des arbres, une étrange lueur mauve émane encore des nuages. Il baisse le regard et le fruit de sa miction tombant sur son loafer droit, il se redresse et vise les quenouilles. Souriant de fierté en les atteignant, il se remet à siffloter. Il décide que sa Belle serait chanceuse ce soir! Les insectes se taisent. Aucun souffle de vent ne vient agiter les feuillus et les sapins du boisé en face de lui. Il arrose de nouveau son pied droit, puis émet un petit juron. L'odeur aigre de son urine s'amplifie. Il remonte la fermeture de son pantalon, agite son pied droit pour l’assécher et éructe de nouveau.
En regagnant son 4 X 4, il découvre l’enfoncement sur l’aile avant. « Fuck », jure-t-il en se penchant pour observer et caresser le bris de l'immense voiture encore chaude. Regardant sous le véhicule, un gémissement fétide s’échappe de sa propre gorge. Son cerveau embrumé n’arrive pas à saisir aussi vite que son instinct. Un enchevêtrement palpite et coince la roue arrière de son véhicule. Genoux, doigts, tee-shirt déchiré, rayons de roue, pneus de vélo et cheveux blonds ensanglantés. Il détourne le regard et une mare de sang lui saute aux yeux. Il s’avance, stupéfié, sans détacher son regard de la tache rouge qui s’agrandit autour d’un objet. Il s’approche pour reconnaitre une paire de lunettes, une petite monture rose broyée dont les lentilles changeront à jamais sa vision de la vie.
Faites la fête et soyez responsables.
Phrenssynnes
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Phrenssynnes
Francine Boilard est écrivaine sur Le blogue de Phrenssynnes. Elle publie sur Medium et rédige cette infolettre mensuelle sur Substack. Vous la trouverez aussi sur NowNowNow.com. En plus d’être auteure, elle a été optométriste pendant plusieurs années.
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Encore une fois très bien écrit, les descriptions détaillées dans ton texte nous font vivre plusieurs émotions. Le message est clair…….
Wow, histoire tellement enveloppante de détail mais jamais je m’attendais à une telle fin qui est bien approprié pour le moment présent. Tu as réussi à nous transporter dans un voyage avec un message précieux. Bravo.